Le démembrement de propriété, un principe issu du Code Civil

Définitions du Droit de la propriété

Le droit de propriété est un droit réel, c’est-à-dire un droit qui porte directement sur un bien, conférant à son titulaire l’ensemble des prérogatives qu’il est possible d’exercer sur ce bien. Ces prérogatives, souvent résumées sous les termes « usus », « fructus » et « abusus », définissent l’étendue des droits du propriétaire :

  • L’usus : Le droit de détenir et utiliser le bien. Par exemple, occuper un logement ou l’affecter à un usage particulier.
  • Le fructus : Le droit de percevoir les revenus générés par le bien, tels que les loyers d’un bien immobilier ou les dividendes d’un portefeuille d’actions.
  • L’abusus : Le droit de disposer du bien, c’est-à-dire de le vendre, le donner, le transformer, voire le détruire.

Ce triptyque de droits est encapsulé dans la définition classique de la propriété donnée par l’article 544 du Code civil :
« La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

Cependant, le droit de propriété peut faire l’objet d’un démembrement, créant deux droits réels distincts et autonomes :

  • L’usufruit : Ce droit regroupe l’usus et le fructus, permettant à l’usufruitier d’utiliser le bien et d’en percevoir les fruits, mais sans en disposer pleinement.
  • La nue-propriété : Ce droit confère à son titulaire l’abusus, c’est-à-dire la capacité de disposer du bien, mais sans l’usage ni la perception des revenus tant que l’usufruit subsiste.

L’usufruit est toujours un droit temporaire, qu’il soit accordé pour une durée fixe ou viagère. Lorsqu’il prend fin (soit à l’expiration de la période prévue, soit au décès de l’usufruitier en cas de période viagère) le nu-propriétaire récupère la pleine propriété du bien. Cette caractéristique fait de la nue-propriété un investissement patrimonial à long terme particulièrement avantageux, car elle permet de récupérer l’intégralité des prérogatives de la propriété sans frais ni formalités supplémentaires.

Le démembrement : droit distinct de l’indivision et du DUH

Contrairement à l’indivision, où plusieurs propriétaires exercent simultanément leurs droits sur le bien, le démembrement de propriété crée des droits qui s’exercent de manière distincte et indépendante. L’usufruitier et le nu-propriétaire ne partagent pas les mêmes prérogatives mais bénéficient de droits clairement définis et complémentaires :

  • L’usufruitier jouit du bien mais ne peut pas en altérer la substance ou en disposer.
  • Le nu-propriétaire conserve la propriété à long terme, récupérant automatiquement la pleine propriété à l’extinction de l’usufruit, qu’il soit temporaire ou viager.

Le démembrement, couramment utilisé dans le cadre patrimonial ou successoral, permet ainsi d’adapter la gestion d’un bien à des besoins spécifiques, comme la transmission, l’optimisation fiscale ou la valorisation à long terme.

Quant au droit d’usage et d’habitation (DUH), ce droit précaire confère des droits plus restreints que l’usufruit. Il permet au titulaire et à sa famille proche de jouir du bien, mais sans possibilité de :

  • Le louer, même temporairement.
  • Le vendre ou le donner, ni même de transférer son usage à un tiers.

Ce droit peut être accordé pour une durée viagère ou une durée limitée définie par contrat. Dans la pratique, il est fréquemment rencontré dans le cadre d’une succession : le conjoint survivant peut demander à conserver ce droit sur la résidence principale jusqu’à son décès, ce qui lui garantit un usage exclusif du bien sans en devenir propriétaire.

La cession d’un bien en démembrement

Les droits réels issus d’un démembrement, qu’il s’agisse de la nue-propriété ou de l’usufruit, sont pleinement cessibles. Cela signifie que le titulaire peut :

  • Vendre, échanger, ou apporter son droit à une société.
  • Donner son droit, via une donation ou un testament.
  • L’utiliser comme garantie pour un emprunt (hypothèque).

De plus, la nue-propriété est transmissible par succession. L’acquéreur ou le bénéficiaire des droits assumera les mêmes obligations que le titulaire initial, qu’il soit usufruitier ou nu-propriétaire.

En pratique, ce mécanisme est souvent utilisé lors de successions. Par exemple, un conjoint survivant peut se voir attribuer un droit d’usage et d’habitation sur la résidence principale du couple, lui permettant d’y rester jusqu’à son décès ou la fin d’une période contractuelle.

Droits et Devoirs des deux parties